Archos ou les PME délaissées
Nicolas Méary, membre de la commission Économie du Mouvement Démocrate, a publié une tribune le 14 octobre 2011 dans Les Echos, où il réagit à la proposition de Laurent Wauquiez de « proposer aux étudiants des tablettes numériques et une connexion Internet 3G au prix de 1 euro par jour pendant deux ans ».
« La semaine dernière, le ministre de l’Enseignement supérieur, Laurent Wauquiez, a annoncé qu’il allait proposer aux étudiants des tablettes numériques et une connexion Internet 3G au prix de 1 euro par jour pendant deux ans. L’offre est gérée par l’opérateur Orange et propose des tablettes produites par Apple ou par Samsung.
Pourtant, nous avons en France un constructeur de tablettes. L’entreprise Archos est une PME dont les produits sont conçus et développés en France et, comme pour la plupart des constructeurs européens et américains, sont fabriqués en Chine par des sous-traitants. Il paraîtrait légitime qu’une offre dont le gouvernement assure la promotion inclue également les produits développés par une entreprise française. Pourquoi ne pas laisser les étudiants choisir ? Sollicité à ce sujet, Laurent Wauquiez a répondu que le « système Archos, qui venait d’implanter Android, n’était pas totalement stable » et qu’il était là « pour les étudiants », pas « pour faire le VRP des constructeurs ».
Pas assez stable ? L’argument traduit une méfiance profonde : c’est une PME. Le problème de fond est le refus du risque. Le sous-entendu de Laurent Wauquiez est que, en tant que ministre, il ne peut pas se permettre de ne pas prendre le système le plus sûr. Ce mode de raisonnement est courant au sein de l’administration. Malheureusement, cet argument conduit trop souvent à exclure les PME, qui présentent évidemment un peu plus de risques que les grandes entreprises.
Aux Etats-Unis, le raisonnement est exactement inverse. Là-bas également, les PME sont plus petites, plus récentes, un peu plus risquées, et pourtant le Small Business Act garantit qu’une part de la commande publique leur est réservée. On considère outre-Atlantique que c’est précisément à l’Etat et aux collectivités d’assumer ce petit risque supplémentaire, parce que le développement des PME est utile pour l’économie et la société dans son ensemble. En France et en Europe, cette disposition n’existe pas, car, aux yeux de nos dirigeants, cela reviendrait à créer une distorsion de concurrence. Incompréhension du fonctionnement de l’économie ? Aveuglement ? Sans régulation, la concurrence n’est pas équilibrée entre une grande entreprise et une PME. Soutenir le contraire est un mensonge scandaleux. Les coûts de production, de distribution et d’administration diminuent avec la taille de l’entreprise. Nous appliquons un libéralisme formel, à courte vue, alors que les Etats-Unis soutiennent leurs PME et permettent ainsi à la concurrence de demain de se développer. Comment s’étonner ensuite que notre pays compte aussi peu d’entreprises de taille intermédiaire ?
Le deuxième argument avancé était que le gouvernement serait « là pour les étudiants », pas pour « faire le VRP des constructeurs » ? La question n’est pas aussi simple. Au-delà du fait que le ministre semble ne pas avoir de problème pour assurer la promotion d’Orange, l’enjeu est aussi celui du développement de l’emploi en France. Pour les jeunes diplômés, il est toujours plus difficile de trouver un emploi stable à l’issue de leurs études. Selon la dernière étude Apec, la part des jeunes diplômés toujours sans emploi au bout de huit mois est passée de 23 pour cent pour la promotion 2007 à 36 pour cent pour la promotion 2009. N’oublions pas non plus que ce sont d’abord les PME qui créent des emplois en France. Agir dans l’intérêt des étudiants commande donc d’aider les PME, qui sont susceptibles de leur proposer un poste à la fin de leurs études. Si nous voulons être en mesure de renouveler le tissu économique français, si nous voulons changer les modes de raisonnement, le regard des banques et des consommateurs. Il faut que nos responsables politiques montrent l’exemple. »
http://www.mouvementdemocrate.fr/medias/meary-pme-141011.html